Prologue — L'été des scandales

Cet été est un véritable régal pour les courtisans de Port-Réal, il ne se passe pas une lune sans qu’un nouveau scandale délicieux n’éclate ou qu’un faux pas merveilleux ne créée l’hilarité. Certaines de ces affaires ont toutefois eu un retentissement considérable, perceptible d’un bout à l’autre du royaume.

Les accusations de la Foi

La saison a commencé de façon grandiose avec l’affaire de la maison Wayn. Accusée de tous les maux - esclavagisme, meurtre, magie noire - par l’Oeil du Père après des festivités du Festival Flamboyant de la Bière d’Or à la Fermente en 167. L’affaire a vite pris de l’ampleur, lord Jorah Wayn étant bien décidé à ne pas se laisser faire. Du Bief, des Terres de l’Ouest, du Conflans et de la cour royale plusieurs voix s’élèvent pour affirmer à l’unisson leur soutien. Lord Edwyn Tully, lady Beth Westering, lord Harlan Tyrell, lady Ellyn Vypren, lady Belladora Ladybright, pour ne citer que les plus prestigieux, dressent le portrait d’un homme complexe, d’un seigneur dévoué à son suzerain et à son roi, intègre bien qu’excentrique, honnête bien que retors, juste bien que tolérant, pieux bien que superstitieux. Le seigneur du Conflans conçoit qu’il y ait pu avoir des crimes commis à la Fermente mais en aucun cas par son vassal.

En plus des témoignages spontanés de moralité, le seigneur Jorah a reçu un soutien inattendu du seigneur Carmont, au nom du maître des lois, qui s’est élevé contre les actions même de la Foi : les crimes les plus graves dont la maison Wayn est accusée sont des crimes relevant de la justice seigneuriale ou royale, sur lesquels la Foi n’a pas à intervenir. Rapidement la Foi est bloquée dans son enquête et dans son action de justice. L’Oeil du Père a répliqué immédiatement en attaquant lord Arnell Carmont. L’ordre de la Foi avait accumulé un épais faisceau de preuves qui indiquent que le seigneur de Hautfort a été pendant la guerre de Dorne et l’occupation à la tête d’un important réseau d'esclavagisme dans la Péninsule afin de satisfaire ses perversions et s’enrichir sur le dos du peuple. La Couronne s’est contentée de répondre que cette affaire, si elle était avérée, relèverait aussi de la justice royale. Après un examen rapide des éléments fournis par la Foi, l’affaire a été classé sans suite : les preuves étaient circonstancielles et les témoignages peu fiables ; sans l’accusation formelle d’une personne d’un statut et d’un rang suffisamment respectable pour pouvoir engager son honneur dans l’affaire, lord Tytos s’est simplement refusé de considérer l’affaire comme sérieuse. Même ainsi, la réputation de lord Arnell a subi un violent coup. Ses moeurs dissolues sont un fait établi et malgré les déclarations du maître des lois, pour beaucoup les accusations de la Foi semblaient assez crédibles.

Le cas de sa sainteté Damian

Sa sainteté Damian en personne est intervenue devant l’inaction de la Couronne pour sommer lord Janos Grafton et lord Tytos Lannister de commencer par faire le ménage dans leurs rangs avant de critiquer les actions de la Foi. Ironie du sort, plusieurs membres du clergé ont commencé à se prononcer contre sa sainteté Damian, critiquant ses actions et sa politique, l’accusant d’être un tyran autocrate au sein de la Foi que le pouvoir a rendu fou, le décrivant comme un dangereux fanatique voulant imposer sa vision religieuse au reste du monde. D’autres accusations, à la fois plus troublantes et moins crédibles, se sont répandues, insinuant que sa sainteté est lui même un déviant et un pratiquant de nombreuses perversions réprouvées par la morale et interdites par ses voeux, qu’il ne cherche là qu’à couvrir ses propres exactions en faisant porter la faute à ses adversaires.

La base de soutien du responsable de l’Oeil du Père est importante et très solide ; le scandale sur la sainteté l’a à peine entamée, cependant il a eu un effet considérable sur la Foi dans son ensemble, créant une importante division entre une faction radicale qui le soutient et une plus tolérante et soucieuse du bien être commun qui essaie de le déchoir de son poste et de ses responsabilités. La noblesse possède elle aussi sa faction de défenseurs de sa sainteté, incluant notamment de nombreuses maisons du Bief, des Terres de l’Orage et du Val d’Arryn.

Les affaires sur le seigneur Arnell Carmont, la maison Wayn et sa sainteté Damian sont restées figées pendant près d’un an avant que la situation n’atteigne son paroxysme lorsqu’un homme tente d’assassiner la Haute Septa à Pentos alors qu’elle faisait un pèlerinage en Andalos. Une rumeur tenace accuse sa sainteté Damian d’être à l’origine de la tentative afin de prendre le contrôle sur l’ensemble de la Foi et assurer ainsi sa victoire contre ses détracteurs.

La justice des Sept

Acculée, la faction soutenant sa sainteté Damian décide de profiter de la période de chaos politique qui a suivi la mort de lord Lannister pour obtenir une victoire contre lord Arnell Carmont qui a été privé de ses principaux soutiens. Elle se décide pour une attaque frontale et c’est sa sainteté Jorys de Boisdoré, sur les terres de la maison Rowan, qui a porté l’accusation formelle en son nom et devant les Sept contre le seigneur suspect. Lord Arnell a calmement accepté l’accusation, comme s’il l’attendait, et a fait valoir son droit à l’ordalie et à être représenté par un champion n’étant pas lui même chevalier. Face au champion de sa sainteté Jorys, lord Edrick Ironfist, un vétéran de la guerre de Dorne réputé pour sa piété et sa résistance hors du commun, s’est présenté ser Lewyn Dayne, l'Épée du Matin. Ce rebondissement imprévisible a attiré toute l’attention de la cour qui s’était lassée de l’interminable lutte. Le chevalier dornien est un parangon d’honneur, réputé pour être le meilleur et le plus vertueux des chevaliers de tout Dorne si ce n’est de tout Westeros ; sa simple présence pour défendre lord Carmont a jeté un doute profond sur la culpabilité du seigneur de Hautfort. Après que lord Janos Grafton ait résumé les faits et les accusations au chevalier, ce dernier s’est contenté d'acquiescer en disant que les Sept donneraient une réponse définitive à cela.

Le duel a été l’un des plus impressionnants qu’il n’ait été donné de voir à la capitale depuis longtemps. Les deux combattants se sont opposés pendant un temps qui a semblé interminable, les échanges d’armes étaient précis, rapides et réguliers ; après quelques minutes lord Edrick a opté pour une stratégie défensive pour épuiser son adversaire qui le dominait techniquement. Cependant cela n’a pas suffit, chaque touche de l’épée du dornien semblait traverser l’armure comme un simple tissu et ce n’est que l’endurance légendaire du champion de la Foi qui lui a permis de tenir suffisamment longtemps pour voir son adversaire commencer à ralentir ses coups sous l’effet de la fatigue. Lord Edrick réussit à entailler son opposant avant de s’effondrer et de demander grâce. Ser Lewyn Dayne, vainqueur de l’ordalie, s’est alors exprimé devant la foule ; les Sept avaient parlé, lord Arnell Carmont est innocent des crimes dont on l’accusait. La Foi, institution humaine et faillible devant les Sept, s’était trompée ou avait été trompée. Il a ensuite exhorté tous les acteurs de cette affaire à longuement réfléchir à la situation et à tirer des leçons de cette ordalie et des événements qui l’ont précédés avant de prendre d’autres actions. Il s’est ensuite tourné vers son adversaire et, après l’avoir relevé, lui a donné l'accolade et a loué sa volonté de défendre les causes qui lui semblent justes et sa sagesse de reconnaître le jugement des Sept.

Conclusion des affaires Carmont et Wayn

Suite à l’ordalie sa sainteté Jorys s’est excusé devant lord Carmont, reconnaissant son erreur. Le seigneur de Hautfort, lavé de tous soupçons, a repris ses fonctions d’assistant du maître des lois, secondant lord Janos Grafton. Ensemble ils définissent le cadre légal dans lequel la Foi, et plus précisément l’Oeil du Père, peut opérer dans les affaires de justice avant d’autoriser la reprise des investigations.

Finalement la maison Wayn est reconnue coupable dans son ensemble de diverses déviances religieuses mineures et de manquement aux responsabilités morales de son rang. Elle est condamnée à une amende de 1.000 dragons d’or, il lui est ordonné de détruire les fausses idoles retrouvées en ses murs et des actes de pénitence sont exigés, dont la sobriété, pour tous les membres de la maison. Le vieux mestre de la famille est reconnu comme sénile et se fait renvoyer à la Citadelle où il sera jugé ultérieurement par ses pairs. Lord Jorah Wayn, responsable de sa famille, est en plus condamné pour négligence à 20 coups de bâton et une amende de 500 dragons d’or.

Ces affaires se sont montrés très coûteuses pour les maisons Carmont et Wayn qui sortent exsangues de faveurs, ayant chacune joué la plupart de leurs cartes pour ne pas se faire submerger par leurs scandales. La maison Wayn a subi une importante perte de prestige mais - eux s’en consolent - conservent toujours le soutien populaire. Lord Arnell Carmont doit continuer de supporter quelques quolibets et conserve toujours l’animosité de certains courtisans persuadés que le duel n’était pas légitime ; que ce soit par triche, coercition, voire même parce que le champion du seigneur Carmont était dornien. Lord Edrick Ironfist est ressorti grandi de son duel et se voit accorder par la Foi le droit de porter l’étoile à sept branches sur son blason. Enfin sa sainteté Damian reste empêtré dans ses scandales mais conserve toujours sa base d’influence.

L’hérésie des treize

Interprétant les conclusions du conclave sur les religions comme une bénédiction, l’Oeil du Père n’a pas attendu que l’affaire de la maison Wayn soit résolue pour mener d’autres enquêtes contre des familles aux pratiques discutables. L’ordre a concentré ses efforts sur Dorne, la plus cosmopolite et la plus disposée au syncrétisme de toutes les régions du royaume.

La maison Uller a rapidement été suspectée de pratiques déviantes. Des rumeurs tenaces dans la Péninsule décrivent les membres de cette famille comme voués à un culte secret qui associe aux Sept faces du dieu unique d’autres figures plus sombres et bien moins reluisantes et des témoignages récurrents font état d’expressions usitées à Denfert tels que “par les Treize”. Cependant, malgré tous ses efforts, l’Oeil du Père n’a pas réussi à trouver des traces d’éléments concrets, objets de cultes, écrits, symboles, ni à être témoins de la moindre cérémonie ou prière qui sorte de l’ordinaire.

Lord Sylvar Uller, déjà célèbre pour son attitude très provocatrice héritée de son père, s’est amusé à employer à tort et à travers le nombre treize et les expressions associées. Confronté à ce sujet par les septons qui l’accusaient il leur a répondu qu’au sein de la famille Uller on aime bien jurer et que pour ne pas invoquer le nom des Sept en vain on avait pris l’habitude d’utiliser un autre nombre ; il a même ajouté qu’il n’y avait plus de culte immoral à Dorne depuis que les Fer-nés s’étaient chargé d’exterminer ses cousins Smyll jusqu’au dernier, sans oublier les femmes enceintes et les enfants innocents. Il les a ensuite invités à séjourner plus longtemps à Denfert, rassuré que la Foi veille.

La fin du régicide

Un autre scandale a profondément marqué les royaumes. Lord Darvon Falwell, acclamé pour avoir retrouvé le corps du régicide et l’avoir ramené à Port-Réal pour un jugement post mortem avait passé un accord avec le traître infâme lui permettant d'échapper de son vivant à la justice royale. L’affaire implique aussi le capitaine Aleqo Sand de la compagnie des Puînés qui avait participé à la traque du criminel avec lord Darvon avant de l’exfiltrer en Essos. Il l’avait ensuite protégé de le plus grand secret, lui conférant une marge de manoeuvre dans ses négociations avec le maître des chuchoteurs.

Lord Darvon s’est défendu pour l'essentiel à huis clos, devant son souverain et le reste du conseil restreint. Cependant il a confié à ceux qui s’intéressent à lui des éléments de réponse sur ses motivations. Il invoque deux principales raisons :

  • le plus grand intérêt du royaume : la situation ne se résumait pas à lui et au régicide, il avait dû aussi prendre en compte les implications politiques et diplomatiques liées à l’intervention du capitaine Aleqo Sand, à sa présence en territoire étranger, le secret qu’il y avait autour de sa mission, et d’autres dangers pour la paix qui se négociait à l’autre côté du Détroit
  • les circonstances : il était lui-même plus en position de prisonnier que de négociateur, prendre des risques inconsidérés n’aurait mené qu’à sa mort et le royaume n’aurait même pas eu le cadavre

Malgré sa défense beaucoup ont du mal à concevoir que lord Darvon Falwell et le capitaine Aleqo Sand n’aient pas été de mèche dès le départ ; sûrement qu’il s’était arrangé avec lui pour revenir de sa mission avec une épopée héroïque à raconter et qui serait difficile à vérifier, servant son désir de gloire et ses ambitions politiques.

Après avoir quitté le conseil restreint au profit de ser Reginald Sarsfield, messire Darvon a continué à garder ses distances des rougesgorges, probablement pour leur épargner sa disgrâce. Les rougesgorges ont écrit une chanson sur lui, évoquant sans méchanceté son ambition de servir le royaume qui lui a tout coûté. Un geste élégant que mestre Fall a commenté comme une façon de marquer eux aussi leur distance tout en rendant hommage à leur fondateur.